Puisque les oiseaux meurent by Dard Frédéric

Puisque les oiseaux meurent by Dard Frédéric

Auteur:Dard, Frédéric [Dard, Frédéric]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Éditeur: Fleuve Noir (Éditions)
Publié: 1958-01-01T05:00:00+00:00


CHAPITRE III

Laurent regarda sa femme.

Elle semblait heureuse. Il eut mal.

– Pourquoi dis-tu ça, Lucienne ?

– Quoi ?

– Qu’il t’aime ?

Elle devint grave. Sa souffrance physique réapparut sur sa pauvre figure émaciée.

– Il faut bien croire qu’il m’aime, puisqu’il est revenu.

C’était si simple qu’il eut honte de s’être laissé emporter. Il n’allait pas se mettre à être jaloux d’un oiseau !

– Sors, Laurent. Tu l’effraies…

– Non, décida-t-il, je ne sortirai pas. J’ai besoin de rester auprès de toi. J’ai à te parler.

– Je t’en supplie. Juste un moment…

Il obéit. Avant de passer le seuil il se retourna et vit Lucienne telle qu’elle était, c’est-à-dire dans un état critique.

Demeurer plus longtemps seul avec elle était pure folie. Il devait faire venir une infirmière. Il y avait des soins à lui donner…

Il tourna un bon moment, les mains aux poches, autour du téléphone muet. Il suffisait de rebrancher la prise… Il ne parvenait pas à se décider. Appeler une infirmière, c’était abdiquer, se soumettre à une volonté extérieure précise !

« Tout à l’heure », tricha Laurent.

Il se rendit à la cuisine afin de se préparer un Nescafé. Il vit une feuille de papier fixée à la porte par une épingle.

Martine lui avait laissé subrepticement un message avant de s’en aller.

« Je ne rentre pas à Paris. J’attends à l’hôtel près de la gare. Courage. »

Il arracha la feuille de papier. L’épingle qu’elle avait fortement enfoncée demeura plantée dans la porte.

Martine était une bonne fille, mais elle l’agaçait. Elle était trop envahissante et voulait à toute force participer à cette histoire. Or c’était une histoire à deux places. Bon Dieu ! Elle aurait dû le comprendre.

Il jeta le papier avec humeur. Il haïssait Martine. L’idiote n’avait qu’à attendre devant les faisans dorés recouvrant les murs de la grande salle de l’hôtel puisque ça l’amusait. Qu’est-ce que cela pouvait faire, du moment que Lucienne et lui étaient seuls sur leur île ?

Non, décidément, pas d’infirmière pour l’instant. Pas de bonne, pas de femme de ménage, pas de visites. Personne !

Personne ?

Si pourtant : un oiseau. La présence du verdier le choquait. Il se promit de le faire partir dès que Lucienne relâcherait son attention.

Il but un café corsé et s’en fut se plonger la tête dans le lavabo. Puis il retourna dans la chambre.

En y entrant, il chercha le verdier et ne le vit pas. Lucienne n’avait cependant pas pu se lever pour lui ouvrir la croisée !

– Où est-il ? demanda Laurent avec une étrange âpreté.

Il suivit le regard de sa femme et se retourna. L’oiseau se tenait sur la poignée d’un sabre en verre filé au-dessus de la porte. Laurent s’approcha du lit et, doucement, s’étendit aux côtés de sa femme sans se donner la peine de poser ses chaussures.

Instantanément, une paix veloutée s’insinua dans son corps fatigué. Il resta longtemps sans parler, les yeux mi-clos, fixant l’oiseau. Celui-ci paraissait faire corps avec son point d’appui. On eût dit que lui aussi était en verre filé.

Lucienne ne bougeait pas. Son souffle était si menu que, pour le percevoir, il devait retenir le sien et prêter l’oreille.



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